Maripasoula

Mars-Avril 2017

Avec Camopi et Saül, Maripasoula est une des villes dite de « l’intérieur », les plus reculées, au sud de la Guyane (où n’irait-on pas pour voir des copains ?). Pour y aller deux options existent : prendre l’avion de Cayenne ou Saint-Laurent du Maroni ; ou alors la pirogue depuis Albina, en face de Saint-Laurent, au Surinam. Dans un cas ça prend une heure, dans l’autre environ 15… devinez laquelle on a choisi ?!

On se rend à Albina, côté Surinam, pour trouver des piroguiers. C’est d’ici que partent les embarcations qui ravitaillent tout le Haut-Maroni en produits de base, carburant, etc… Le Maroni est soit-disant « non navigable » selon les normes françaises, car il faut passer plusieurs sauts pour le remonter. Ça n’empêche évidemment pas le trafic de pirogues à moteurs hors-bord. Les piroguiers sont même capables de remonter des pelleteuses ou des camions, posés sur deux pirogues parallèles, en passant tous les sauts !

On rejoint une pirogue qui remonte de l’essence et des produits alimentaires sur la rive surinamaise en face de Maripasoula. C’est là-bas qu’on trouve les magasins chinois qui vendent les produits les moins chers aux Guyanais d’en face. 50€ chacun, au lieux de 70€ en avion. Les piroguiers sont sympa, ils nous invitent volontiers à manger avec eux le soir, même si leur créole surinamais est difficile à comprendre.

On arrive donc le lendemain à Maripasoula. Le dégrad (débarcadère) est libre. On ne le sait pas encore, mais le mouvement social guyanais est en train d’éclater, et il sera en partie bloqué dès le lendemain !

La ville est assez étendue. Environs 10.000 habitants y vivent. Beaucoup d’habitants du Haut-Maroni, principalement des Bonis, sont venu s’y installer quand les premières commodités sont arrivées : piste d’avion, dispensaire, école, etc… Une piste permet de rejoindre le village de Papaichton en aval, mais sinon c’est pirogue ou avion. Vu l’enclavement, les produits de consommation sont chers, d’où l’installation en face au Surinam des fameux magasins chinois qui cassent les prix. Maripasoula suit donc son petit rythme, très différent de celui du littoral. Ici il y a très peu d’emploi, le mode de vie est en transition entre le traditionnel et le « moderne ». Si l’on exclut les activités administratives et les postes d’enseignement, surtout tenus par des Blancs qui viennent s’expatrier quelques années ici avant de repartir, il n’y a que quelques commerces souvent tenus par des immigrés d’Amérique du Sud. Pas d’entreprise ni de tourisme. L’activité d’orpaillage dans la région, illégale et destructrice, concerne surtout des clandestins brésiliens qui vivent dans des camps cachés en forêt, dans des conditions difficilement imaginables.

Il y a toujours beaucoup d’abattis familiaux qui fournissent une bonne partie de l’alimentation. Le manioc fourni le fameux kwak, farine plus ou moins dure à la base de l’alimentation dans la région. La pêche et la chasse sont également importants.

Cet accès très difficile à l’emploi, la part des aides sociale dans le revenu des famille, les difficultés d’éducation à tous les niveaux scolaires sont autant de problèmes typiquement guyanais, exacerbés dans l’intérieur par rapport au littoral.

Dans ces conditions, on comprend facilement comment le mouvement social guyanais a pu naître. On se demande surtout comment il n’a pas eu lieu avant ! A l’origine centré sur les problèmes d’insécurité que connaît la Guyane, le mouvement a vite inclus des revendications concernant l’absence de développement de la Guyane et l’inintérêt de la part de l’état pour tout ce qui ne touche pas directement le CSG.

Tous les axes routiers de la Guyane (ce qui ne fait pas beaucoup) on été paralysés. Maripasoula et les autres communes de l’intérieur ont immédiatement suivi le mouvement, parti de Kourou et Cayenne.

Les rues de Maripasoula, l’aéroport, la piste de Papaichton et même le dégrad ont donc été bloqués plus d’un mois. On peut toujours circuler avec sa propre pirogue, mais pas avec celles des chinois d’en face pour aller faire ses courses. Et ce n’est vraiment pas rien dans une ville si reculée, de se couper autant ! Mais le mouvement, organisé autour du collectif « Pou La Gwiyann dékolé » (Pour que la Guyane décolle), fait quasiment l’unanimité. Toutes les classes sociales guyanaises sont solidaires et l’ambiance reste bonne tout au long de la mobilisation.

On avait prévu de rester environs deux semaines chez Célia et Vincent avant de rentrer de notre long voyage. On restera finalement un mois, blocage oblige ! On aurait quand même pu partir plus tôt en passant au travers des mailles des blocages, mais on est content de rester un peu plus.

On se repose au rythme de Maripasoula. Mais on visite aussi le Haut-Maroni, avec M. Moloko, alias Tom Pouce, un piroguier amérindien d’Antecume-Pata. Son surnom nous fait rire mais il s’y est habitué. Il s’agit d’un village du peuple Wayana plus en amont.

Avec lui, on visite Antecume, le village de Taluen et son abattis familial. En plus du manioc, il cultive quelques fruits dont une délicieuse variété de maracuja, inconnue à nos papilles…

On passe avec lui et un de ses amis une nuit au carbet de Gobaya Soula, et on visite la jolie cascade, avant de rentrer à Maripasoula.

On se balade également du côté de Papaichton et du sentier des géants, une balade à mi-chemin entre les deux villes. Ce sentier permet de voir quelques fromagers, l’arbre immense emblématique de cette forêt équatoriale. C’était aussi l’emblème de Papaichton, mais le fromager du village est mort récemment…

On finit par partir de Maripasoula pour rentrer en France. Et oui, après plus d’un an autour du monde, il faut bien que le voyage s’arrête ! On prend donc une pirogue pour redescendre à Saint Laurent, avant de partir sur Cayenne et prendre l’avion.

C’était notre dernière étape, et aussi notre dernier article de blog ! Verslestjusquaufarwest s’arrête donc ici, le Far West est d’ailleurs loin derrière nous… Merci de nous avoir lu et on espère vous avoir donné envie de voyager !

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Temps de rentrer…

Julie et Wani

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