Les brasseries de Saint Louis

Clairement, la principale contribution à l’humanité d’ordre culinaire des Etats-Unis, c’est la bière ! C’est ici qu’a eu lieu la « craft beer revolution » qui s’est ensuite propagé autour du monde. Prost !

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Saint Louis est une ville de brasseurs. On y trouve de tout, de la micro-brasserie artisanale à la brasserie industrielle géante en passant par le brewpub.

C’est ici qu’a vu le jour une petite société quasiment inconnue : Anheuser-Busch, devenue au fil des fusions le géant AB-InBev-SABMiller. Aujourd’hui, ce monstre brasse entre autre les Leffe, Hoegaarden, Budweizer, Corona, Stella Artois, Jupiler, Quilmes… Durant la prohibition, les brasseries américaines ont presque toutes coulé, et A-B a été l’une des seules à rester debout grâce à ses activités alternatives : logistique, vente de glace, limonades, etc… A la fin de la prohibition, sa position dominante lui a permis d’avaler le marcher, et de profiter de son monopole pour alléger petit à petit ses recettes et imposer la très insipide « Lite American Lager », style Bud Light, aux USA.

Mais ces tristes sires de la bière ne sont plus les seuls présents à Saint Louis ! Heureusement, de nombreuses « craft breweries » ont réapparu à la fin du XXème siècle, vers la côte ouest particulièrement mais aussi ici, dans le Missouri. Plutôt que de visiter l’espèce de musée de la bière d’A-B, on préfère évidemment les brasseries plus artisanales comme la brasserie Schlafly.

Créée en 89, les fondateurs de cette brasserie ont dû naviguer avec la loi, qui interdisait par exemple de brasser de la bière si l’on n’était pas propriétaire d’un stade ! Evidemment, le stade Busch de Saint Louis appartenait à A-B. L’un de ses créateurs étant avocat, Schlafly a tout de même réussi à ouvrir son brewpub, c’est à dire un bar-resto où la bière est brassée sur place. La demande en bière étant vite trop forte pour la production, il fallut recourir au « brassage à façon » pour satisfaire les clients, en faisant brasser la Schlafly à Kansas City chez Boulevard Brewing, une brasserie amie (bien bonne !). Schlafly a ensuite acquis de nouveaux locaux pour pouvoir brasser plus et embouteiller, locaux que nous avons pu visiter.

On commence par le coin brassage. Le moulin permet de concasser les différents malts d’orge, ou d’autres céréales. Ce malt concassé est ensuite mélangé à de l’eau chaude dans la cuve d’empâtage. L’amidon du malt est alors transformé en sucre par l’activité enzymatique permise par la température de l’eau. On obtient alors le moût, du jus sucré de malt, qu’il faut séparer du malt usagé qu’on appelle les drêches. Cette filtration est menée dans la cuve éponyme, et les drêches servent ensuite à l’alimentation du bétail.

Le moût subit ensuite une ébullition lors de laquelle est ajouté le houblon, qui aromatise la bière et lui donne son amertume. Le moût est alors refroidit dans un refroidisseur à plaque, un échangeur thermique dont l’eau de refroidissement sort chaude et sert à l’empâtage suivant.

Le moût sucré est ensuite fermenté par les levures dans d’énormes fermenteurs, pendant quelques jours ou semaines en fonction des bières et des levures. La bière est ensuite mise en bouteille ou en fût. La ligne d’embouteillage vient d’être munie d’un palettiseur, qui met directement les bière en caisses et en palette pour moins de manutention.

Après cette intéressante visite, la dégust’ ! On découvre des classiques de la brasserie Schlafly, comme leur Kölsch. Originaire de Cologne en Allemagne (d’où le nom), ce style de bière est désormais brassé un peu partout. Mais un des co-fondateurs de Schlafly a épousée une file de Cologne, et ramené d’Allemagne la levure originale ! Une bien bonne Kölsch 🙂

On goûte également une bière spéciale, la « Hop trial HBC 438 ». Il s’agit d’un tout nouveau houblon, cultivé à Yakima Valley dans l’état de Washington, là où poussent la plupart des houblons américains. Il est issu des derniers programmes de sélection de la Hop Breeding Company, la société qui a développé le fameux houblon Citra, ainsi que le Mosaic. Quelques petites brasseries comme Schlafly utilisent ce petit nouveau pour tester ses attributs aromatiques. S’il satisfait les brasseurs et les consommateurs, il sera commercialisé sous un nom moins barbare. Autant dire qu’il nous a satisfait, et visiblement il cartonne chez les brasseurs amateurs ! On l’a trouvé vraiment très fruité, avec un bel aspect agrume/citron. Avis aux brasseurs amateurs français, on peut déjà se procurer ce fameux HBC 438, par exemple chez Northern Brewer, mais attention aux frais de port, et aux frais de douane aléatoires !

On a très bien mangé chez Schlafly, burgers de bœufs nourris aux drêches locales 😉 Aux USA, les brasseries artisanales ont souvent leur resto/scène de musique. D’ailleurs, on a également bien mangé dans un autre brewpub sympa : The Civil Life brewing Co. Mais la bière n’y était tout de même pas si top…

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Brewpub Civil Life

Mais il nous reste une autre « petite » brasserie à visiter, Urban Chestnut (UCBC). La brasserie est jeune (créée en 2011 par deux anciens d’Anheuser-Busch), et bien plus high-tech que Schlafly.

Bien axée communication, cette brasserie est conçue pour permettre aux clients de son resto de voir les cuves de brassage en action au dessus du bar. Et quelles cuves ! Du bel inox, fabriqué sur mesure en Allemagne pour la brasserie…

Les brasseurs utilisent quatre cuves (empâtage, filtration, ébullition, et aussi whirlpool). Dans la quatrième cuve au nom barbare, le moût est remué pour former un tourbillon (whirlpool) qui va concentrer les protéines coagulées et autres déchets de houblon au centre de la cuve, comme au fond d’une tasse de thé touillée. Ceci permet de récupérer un moût bien clarifié.

La visite guidée nous apprend que tout fonctionne en ligne ici, tout est transporté automatiquement par tube d’une cuve à un autre : le malt voyage du stock au moulin puis à la cuve de brassage en tube, le moût aussi entre toutes les cuves puis vers les fermenteurs, etc… Du coup, les brasseurs peuvent contrôler tout le système de brassage avec une appli sur leur smartphone ! De vrais beer geeks…

Côté fermenteurs, c’est également de la belle installation ! Tout en ligne encore. Le houblonnage à cru (dry hopping), c’est à dire l’ajout de houblon directement dans la bière en fin de fermentation pour ajouter plus d’arôme, se fait dans une cuve à part, reliée aux fermenteurs. Un système de recirculation du genre « torpedo », qui évite d’exposer la presque bière à l’oxygène et facilite l’opération, mais surtout maximise l’échange de composés aromatiques entre le houblon et la bière.

Le nettoyage des cuves se fait automatiquement via un système de CIP (Clean In Place) : le nettoyant est envoyé directement dans les cuves vides via une boule de lavage. Fini les apprenti-brasseurs qui doivent plonger dans les cuves sales avec une brosse !

Côté embouteillage, ils disposent d’une belle ligne avec dépalettiseurs en entrée pour les bouteilles neuves (et pas besoin de les laver, du coup) et palettiseurs en sortie. Plus rien à faire, quoi !

Le guide semble très fier de la grande contribution d’Urban Chestnut au monde de la bière : le fût en plastique ! Fini les barmans au dos cassé grâce à ce fût plus léger, qui s’empile parfaitement. C’est beau le progrès !

En tout cas, UCBC, ça ressemble clairement à un fantasme de brasseur amateur au niveau du matos, quand on aime l’automatisme. Niveau bières, le résultat est assez bon, avec une palette de style large comme le veut la tradition US. Après, on a préféré dans l’ensemble les bières de Schlafly, moins timides que les productions d’Urban Chestnut, très axées lager allemande et frileuses en houblon… Et le joyeux bordel de chez Schlafly nous a plus ému que l’automatisme absolu d’UCBC. Mais chacun ses goûts !

On finit notre séjour aux USA dans un très bon brewpub : Square One Brewery and Distillery. Comme son nom le laisse supposer, l’établissement fait ses propres spiritueux, whisky, rhum, gin et autres. Les bières sont vraiment très bonnes ! Notre dernière IPA, excellente, nous donne envie de revenir un jour…

Si vous passez à Saint Louis, Missouri, et que vous êtes touchés par la beauté de cette noble boisson, n’hésitez pas, il y a encore plein d’autres micro-brasseries qu’on n’a pas pu visiter !

 

 

 

 

 

12 réflexions sur “Les brasseries de Saint Louis

  1. Super Article! Si je n’habitais pas à St Louis ça me donnerais presque envie de venir 🙂 Au fait, on a pas bu une seule bière depuis que vous êtes partis, preuve de votre culpabilité dans notre débauche 😉
    Sinon, bah vous nous manquez!

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  2. Merci pour vos retours !
    On n’a pas vu de bière de Noël, mais chez Urban Chestnut, ils avaient une bière à la pêche vieillie en fût pour faire équivalent ! On n’a pas goûté mais ça avait l’air sympa.

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  3. Vos fervents lecteurs ne tolèrent aucune excuse! Si la mondialisation et la technologie déshumanisent notre pauvre planète, elles se répandent comme des tentacules que vous saisirez pour trouver le net au fin-fond de la brousse! Non mais!
    P.S. Et le petit mot que j’attends? Des bisous

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